Retour sur le Pyrenées AirTour

Marc Boyer raconte…

Pour cette 3ème édition, la météo nous a servi un cocktail détonnant constitué de vent de Sud Ouest fort, d’une bonne instabilité et de pluie sur la fin. Je souhaite à travers ce récit vous faire part de mon expérience vécue lors de ces deux jours et de l’analyse que j’en ai eu sur le moment… et après réflexion.
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Jour 1. Départ de la moraine de Garin (au-dessus de Luchon) à 9h. Le vent de Sud-Ouest est bien présent en altitude. Les premiers cumulus apparaissent progressivement dans la matinée et nous renseignent sur la vitesse (plus de 40 km/h à 3000m) et la direction du vent sur les hauts reliefs.

Vol 1. Nous décidons de monter à l’homme de pierre pour marquer des points en vol en nous rapprochant du Cap de Pouy (balise bonus) et de Superbagnères. Au déco, 5 km/h de brise de pente. Je sors pour la première fois ma Spice flambant neuve. Nous choisissons une trajectoire rectiligne loin des pentes, pour optimiser notre finesse, planons dans l’air calme et encore frais du fond de la vallée et atterrissons en contre pente au pied du Cap de Pouy. Niveau de vol : 1.

Vol 2. Nous remontons à travers bois vers le Cap de Pouy. Nous arrivons sur cette jolie bosse accueillis par des rafales de vent, espacées de plus de 5 minutes. Le vent météo contourne le Céciré prenant ainsi une direction tantôt Sud-Est, tantôt Sud-Ouest. Jean Klaus décolle et cherche un appui près de la pente mais c’est déjà bien turbulent. Nous décidons de voler du fait de l’espacement des rafales et nous éloignons aussitôt du relief dans l’espoir d’éviter la turbulence et de mieux planer en direction de Hount Estrete. On avance sans être trop contré mais on est sous le vent du Céciré et de la crête de Lesponne. On traverse de grosses descendances et des thermiques assez forts. La turbulence est forte. En arrivant sur le bas de Hount Estrete, au pied de la pente, la turbulence et le vent sont encore plus marqués. Le flux contourne le Céciré et déferle de la crête de Lesponne. Je choisis de poser au début de la pente pour trouver un écoulement plus laminaire. De grosses rafales m’attendent et je me fais même remonter momentanément. A 10m/sol c’est moins turbulent et je finis pas poser en douceur tout en restant vigilant au maximum. Nico quelques minutes plus tard arrive sur la zone et pose dans une petite accalmie. Vol sous le vent et dans les reliefs : niveau 5.

Vol 3. Nous remontons à pied vers Superbagnères. Sur la crête de Lesponne, les rafales dépassent 40 km/h. Les chances de voler depuis Superbangnères sont très faibles. Mais en arrivant au décollage, Jean Klaus décolle et monte en dynamique dans un flux de Sud à plus de 30 km/h. Il part ensuite vent arrière en direction de Cazarilh dans un flux laminaire. Sa finesse est bonne. Il passe la balise bonus de Cazarilh et file dans la vallée d’Oueil. Il est possible de voler à Superbagnères avec des vents de Sud-Ouest dépassant 30 km/h car le flux reste laminaire. C’est la conséquence d’un effet de contournement local qui donne à ces flux de Sud-Ouest, une orientation Sud sur la zone de Superbagnères. Il n’est pas nécessaire de se placer loin de la pente et en milieu de vallée pour trouver ce flux.
Thibaut et Julien attendent une accalmie pour décoller. Les périodes de calme sont courtes, à peine 2 minutes, mais cela leur suffit pour décoller. Ils s’écartent aussitôt du relief pour se mettre à l’abri. Leur ligne de vol est moins porteuse que celle de Jean et ils arrivent à peine au niveau de la balise. Dans la vallée, la brise est montante (10-15 km/h) et leur permet de remonter en thermodynamique au-dessus de la balise sur l’épaule de « la plage ». Au cours de leur transition, on voit nettement le changement de masse d’air et la limite entre les deux masses d’air : celle humide et plus froide du fond de vallée et celle du dessus, plus chaude, régie par le vent de Sud-Ouest. C’est à nous de jouer. Les créneaux se font plus rares et les rafales dépassent les 55 km/h. Nous allons chercher un décollage sur le versant Nord-Ouest (les pentes de la piste Record). Il nous faut descendre 200 mètres pour sortir de la couche de vent, retrouver des conditions calmes et un peu de brise montante. Nous décollons. Aérologie calme, nous transitons vers Cazarilh. Vitesse au Gps 35 km/h, nous volons dans la couche plus froide du fond de vallée et posons au-dessus du village en air calme, avec très peu de brise de pente et sans thermiques (stabilité en basse couche). Niveau de vol : 1.

Vol 4. Nous remontons à pied sur le premier sommet au-dessus de Cazarilh. Rafales de vent de Sud entre 20 et 25 km/h sur notre décollage situé à 1800m. Thilbeau et Julien sont en vol et remontent en thermique le long de la crête qui mène à l’Antenac (balise de contournement). Nous décollons. Le flux de Sud 15 km/h nous pousse dans la bonne direction et nous remontons peu à peu dans des petits thermiques au-dessus de la crête. Nous finissons en vent arrière sur les flancs Ouest de l’Antenac. Niveau de vol : 1 à 2.

Vol 5. Sommet de l’Antenac : 15 km/h de vent orienté Sud. L’advection issue de l’échange plaine-montagne est en place sur les avant-reliefs. La mer de nuages présente sur toute la plaine déborde sur les crêtes de la Barousse. Cette énorme masse d’air humide s’assèche en redescendant sur le versant sous le vent selon le principe de l’adiabatique sec. Jean Klaus décolle un peu plus loin, en même temps que nous. On trouve une confluence générée par le vent de Sud et l’advection. Nous avons l’impression de surfer sur le bord d’attaque de la mer de nuage. La scène est vraiment grandiose mais je sais que nous allons nous faire taper en fin de vol, dans le fond de la vallée. Nous ne pouvons pas atteindre le port de Bales qui est dans le nuage et dans le flux advectif fort. Au bout de la vallée, au-dessus de Bourg d’Oueil, ça monte en dynamique sur les pentes Nord, ça descend fort sur les versants Sud. Je trouve un secteur et un vallon abrité et moins turbulent dans lequel nous descendons. Les 50 derniers mètres ne sont pas trop turbulents et nous posons proprement. Niveau de vol : 4.

Jour 2, vol 6. Sommet du Mont Né à 7 h du matin. Vent de Sud-Ouest 15 à 20 km/h. Vol balistique en direction du lac de Bareilles. Très vite après le décollage nous retrouvons l’air frais du fond de vallée. Posés au-dessus du lac en air calme. Niveau de vol : 1.

Vol 7. Sommet du pic du Lion. Vent de Sud-Ouest 15 km/h. Nous planons en direction du Pouyaoué contrés par le vent. Nous posons sous les flancs du Pouyaoué dans un vent de 10-15 km/h. Niveau de vol : 1.

Vol 8. Sommet du Pouyaoué. Vent de Sud-Ouest 10 km/h. Vol balistique en direction de Balestas aux pieds du Soulit (balise de contournement n° 4). Niveau de vol : 1.

Vol 9. Sommet du Soulit, altitude 2100m. Rafales de vent de Sud-Ouest 20-25 km/h. Il est 11h. Sur les flancs Est des Stratocumulus se forment et restent immobiles. Nous décidons de voler versant Ouest, pour nous rapprocher du Cap de Pales et de la balise bonus. Face au vent, on se fait contrer. Nous atteignons le restaurant d’altitude dans une aérologie très malsaine : nous sommes dans des turbulences d’obstacle et sous le vent de la crête d’Aube. Niveau de vol : 4.
Au même moment, Jean qui nous avait rejoint au Soulit, décolle et vole sur les versants Est du Cap de Pales où il trouve des conditions très calmes dans une zone abritée du vent.

Vol 10. Sommet du Cap de Pales, altitude 2200m. Du vent avec des rafales à 40-45 km/h. Nous descendons pour échapper au vent : 150m plus bas, c’est déjà plus calme mais le vent et les rafales prennent une orientation travers à la pente, nous contraignant à descendre encore plus bas. Entre les rafales qui dépassent les 50 km/h, il y a des moments de calme et aussi des cycles thermiques forts. Jean Klaus décolle. Il est dans le vent et il traverse des thermiques à plus de 3m/s. Il prend 200 mètres de gain tout en avançant vers la vallée du Louron. Des vautours enroulent au-dessus de lui. Les conditions sont turbulentes. Il est très actif sous sa voile pour la conserver ouverte ! Au sol, les cycles thermiques sont devenus plus forts. Quand ils s’arrêtent, le vent refait son apparition avec une composante toujours travers à la pente. Nous descendons encore plus bas. La brise de vallée est installée et monte à 15-20 km/h. Jean atteint le bas des pistes de la station de Val Louron. Il s’apprête à poser quand il trouve un thermique à 50 m/sol. Il insiste et finalement grimpe dans un bon thermique qui monte droit. En fait tout le secteur autour du col d’Azet est abrité. Il trouvera des conditions plus turbulentes aux alentours des 3000 mètres. Nous décollons. On est contrés par un flux de Sud-Ouest à 30 km/h et on traverse des thermiques à 2 m/s. Nous traversons la vallée en direction du col d’Azet, prochaine balise de contournement. Nous trouvons une ligne porteuse durant toute la traversée qui nous emmène au niveau du décollage du « 600 ». Avant d’arriver au col d’Azet, un excellent thermique nous permet de monter à 2200m, sans difficultés. C’est suffisant pour faire la balise du col, traverser la vallée en direction du Pouyaoué (balise bonus) et basculer dans la vallée du Larboust. Nico part un peu bas dans la traversée de la vallée et pose finalement à Mont. De mon côté dans la transition, je flotte, ne perds rien et arrive au niveau des crêtes à 2000m. Sur les pentes Sud-Ouest, les thermiques sont bien présents et je dois m’agacer un petit peu pour descendre et poser dans les pentes sous la crête. J’attends Nico. Au sommet, les conditions sont calmes entre brise thermique et 10-15 km/h de vent. A la moraine de Garin, notre ligne d’arrivée, l’aérologie hésite entre petite brise montante et vent de Sud poussif. Nico remonte en courant au sommet comme un avion en 45 minutes. Quand il arrive, le vent de Sud s’impose à la moraine et se met en place. Nous décollons. Sur la crête et les pentes Ouest, les thermiques sont en place. Nous montons facilement et après 100m de gain, nous partons en direction de l’homme de pierre et de Garin. Le vent nous pousse à 20 km/h. En arrivant sur Cathervielle à 1700 m, le flux s’oriente au Sud  : il descend à présent de la vallée d’Ôo. On fait la balise bonus de l’homme de Pierre. Face au vent en direction de la moraine, on est arrêté et on doit accélérer pour avancer. Nico plus bas se fait bien brasser et ferme à plusieurs reprise. Plus on descend et plus on se fait contrer et bousculer. Nico pose dans le vent de Sud et dans les turbulences. J’écarte l’idée de poser à la moraine et j’avance vers la vallée d’Ôo. Le vent forcit, il est rafaleux et dépasse les 45 km/h. J’ai vraiment du mal à avancer, à atteindre la vallée d’Ôo et une zone posable. Quand j’atteins cette zone et un grand pré aligné dans le sens de la vallée et du vent, je recule à 5 km/h accéléré. La turbulence est moins forte près du sol. Je pose et neutralise ma voile. Niveau de vol : 5.

Analyse
Le côté aléatoire de ces vols par vent de Sud vient du fait que l’on est souvent incapable de prévoir le forcissement du vent et son arrivée dans les fonds de vallée. Tant que le vent ne s’installe pas dans les fonds de vallée, on peut envisager de voler. Avec une convection bien en place, des plafonds élevés, les conditions sont volables. Loin du relief, on arrive à exploiter les thermiques. Il faut se placer loin du sol, garder de bonnes marges et chercher des lignes de vol lors des transitions en utilisant le flux du vent. C’est le retour dans les vallées qui pose problème quand le vent pénètre dans les basses couches car il complique, limite les déplacements et peut générer de fortes turbulences d’obstacles. Il est préférable, si on suspecte du vent dans la vallée, de poser en hauteur et sur des pentes dégagées. Voler dans ces conditions réclame une très bonne analyse et un fort mental car voler par vent du Sud sur le versant Nord des Pyrénées, c’est comme explorer un autre monde. Cependant, il est possible de faire de très beaux vols avec des flux de Sud moins forts (inférieurs à 20 km/h à 3000m) et des conditions moins extrêmes. En fait nous volons régulièrement dans ces conditions. La clé repose avant tout sur une bonne compréhension de l’aérologie et un bon mental.

Classement Pyrénées Air Tour

1. Nicolas Fillon (Advance Iota) et Marc Boyer (Skywalk Spice) 1631pts.
2. Julien Mathis (Gin Sprint Evo) et Thibault Acton (Ozone Delta) 1624pts. 3. Jean Klaus (Nova Triton light) 1566pts. 4. Thierry Hannard et Franck Perret, 1452pts. 5. Luc Deplanche. 6. Serge Darricau et Jean Bailleux. 7. Léonard Siclon et Brendan Troupel. 8. Julien Forichon et Vincent Bany. 9. Hugo Espinasse.