Rencontre avec Chrigel Maurer…

Hier [le 22 Juin dernier] je suis montée à Saint Hilaire du Touvet pour commettre un attentat sur la personne de Chrigel Maurer (j’écris tout bien en toutes lettres pour faire paniquer la team Redbull qui m’a placée sous surveillance depuis).

Bon déjà, je confirme qu’il y a un décalage entre le livetrack et la réalité parce que je voulais faire ça au moment où il faisait des zig-zags dans les bois discretos et bien sûr, alors que je l’attendais avec une batte de baseball à la sortie de la forêt, il avait en fait déjà rejoint la route principale qui mène au déco, là où l’attendaient son camion, ses assistants et ses fans. J’ai dû abandonner la batte et me rendre près du camion, incognito, bon le mec est en train de se laver les pieds, oh mais punaise, il a pas une ampoule le mec ! des pieds de bébé ! on m’explique qu’il a dix paires de chaussures, qu’il change en fonction du terrain sur lequel il marche. Pire qu’une gonzesse cet athlète, tout le monde est en pâmoison, tout le monde veut des photos, moi je veux juste le buter.

Et puis, prise dans cette frénésie de l’appareil photo, je me dis « merdouille ! je suis à moins d’un mètre de Maurer et je le prends pas en photo ? » faut quand même que je l’immortalise avant de l’envoyer rejoindre la grande faucheuse. Punaise le mec est ultra gentil, il prend la pause, fait des blagues, baragouine deux trois mots de français, tout le monde fond et moi avec. Caramba ça y est je m’entends prononcer des mots d’encouragements à son encontre, je suis foutue et en plus j’ai laissé la batte à l’orée des bois.

Peu importe, il est prêt à repartir, les gens le saluent et retournent vers leur voitures, je ne peux pas le laisser filer, il se met à courir, je cours avec lui. Je suis en robe avec des petites converses, ça fait 10 ans que je ne courre plus, je regarde mes tibias qui crient « tendiniiiite » et je me dis « on va quand même pas courir comme ça jusqu’au déco ??????????? »

J’entame la conversation, je l’attaque même frontalement « Chrigel zis is not possibleul, whyyy are you always in front auf ze race? »
Je me retrouve quand même à dire des trucs du style « you’re amazing / you’re incredible / unbelievable… » saperlipopette ! et ma mission alors ? une stratégie se dessine : pactiser avec l’ennemi pour mieux l’exterminer.

Pfiou, il se met à marcher, ses gastrocnemius sont à angle droit, le mec est gentil, il répond à toutes mes questions « what is your zecret ? » on commence sérieusement à papoter. Bon là, quand même j’ai mon esprit fair-play qui tire la sonnette d’alarme, peut-être que je me montre sacrément pénible à l’accompagner comme ça jusqu’au déco ? je lui pose la question, je lui dis que s’il en a marre, je le laisse tranquille (je vais chercher la batte discretos, et paf je reviens par derrière comme un chat, un coup sur la nuque et on en parle plus).

il me dit que je peux rester, que c’est souvent comme ça pour lui en temps de course, qu’il a l’habitude, que tout ça c’est la faute du tracker, je lui dis que quand même le tracker, il marche pas si bien parce que sinon je serais encore dans la forêt à l’attendre. Il répond à toutes mes questions, s’arrête quand des enfants lui demandent des autographes, sourit, essaye toujours d’échanger deux-trois mots de français avec les fans postés le long de la route. Il est adorable. Grrrrr

Trois tuyaux récupérés auprès du Maître pour performer à la X-Alps :
– être un excellent pilote (niveau PWCA requis)
– croyez en vos rêves (pensée positive, visualisation et gardez votre côté rêveur Walt Disney inside)
– peu importe combien de fois vous avez marché / volé à travers les Alpes, le plus important est la souplesse de votre stratégie: s’adapter, toujours s’adapter, toujours en fonction des conditions, des derniers runs météo…

On approche du décollage, il va de nouveau prendre un bain de foule, il préparera sa voile sous les yeux des badauds ébahis, l’Aigle en personne !

je vais le laisser, je vais pas lui tenir la grappe, je vais le laisser filer…
je le remercie pour son temps, pour le partage, pour cette conversation improbable que je viens d’avoir avec le Roi du Pétrole…
je finis par lâcher : « Saviez-vous que j’étais venue ici pour vous casser les jambes afin d’aider les athlètes français?! » il rigole « non mais sérieusement, est-ce que Maxime Pinot a une chance, ne serait-ce qu’infime de vous rattraper ? » il sourit malicieux « il a un jour de retard… il aura toujours un jour de retard » je réponds du tac au tac « sauf si je vous casse une jambe là maintenant tout de suite ?! »

Il s’enfuit.

J’ai laissé filer Chrigel. Comme tous les autres en fait.

                                                                                                                              Mathilde.