Ciao Richie !

Quel drôle d’anniversaire pour toi et tes proches aujourd’hui (47 ans)! Dans Parapente Mag N° 187 (décembre dernier), tu reprenais la forme… et l’on publiait cette Interview …

Survivor !
Le gamin de st Hil’ qui voulait faire du parapente plutôt qu’aller à l’école ! Richie a appris la vie loin des schémas, parle six langues, a été pilote pro, patron Air ‘G Products, depuis plus de 20 ans il est une des figures du circuit Coupe du Monde, père de sept enfants, il vient juste de fêter ses 46 ans… plongé dans un coma artificiel.
Quel plaisir ce long coup de fil avec Richard. Cet été, lors de nos vols rando nous avons souvent pensé et parlé de lui avec notre amie commune Manuela Picq. Richard, c’est un phénomène. La preuve vivante avec cette fraîche interview alors que malade depuis 5 ans (on lui a annoncé un cancer du sang, puis des os), il a refusé toute chimiothérapie ou artillerie lourde, au point que cet été ses reins, poumons, intestins, foie se sont mis à ne plus fonctionner. Richard passe alors deux mois plongé dans le coma à Munich, jusqu’à un protocole miracle. A peine la tête hors de l’eau, il intervient déjà sur sa page facebook, fier d’une vidéo pour les 10 ans de sa fille, ou encore pour dire qu’il vend son Enzo toute neuve car il ne s’en servira pas cette année.
Je me souviens d’une discussion début des années 90 avec Yves Goueslain, alors entraîneur de l’équipe de France et de la fédération, qui se posait un cas de conscience à propos du jeune Richard Gallon qui ne voulait plus suivre les bancs de l’école pour ne miser que sur le parapente. Avec Seb Bourquin, ils étaient jeunes, fous, doués, inventifs, audacieux et dans le parapente tout était à faire : les premiers waggas, les premières grandes distances…

Dans les années 1990, tu étais sur le devant de la scène avec Firebird et UP, en équipe de France…
C’était la belle époque : Seb Bourquin, Robby Whittall, Andi Hediger ! Tiens d’ailleurs Andi vient de m’appeler pour prendre des nouvelles, j’en suis encore tout ému. 1988, c’est indélébile, on ne revivra jamais ça ! On croquait la vie, et c’était la fête quoi qu’on fasse.

Raconte tes débuts ?
Je vole à partir de 1985 et passe 9 ans en équipe de France, de 1989 à 1998. Mon grand père m’a donné le goût du voyage et du langage. Il faisait de l’avion. Je suis né près de Toulon mais je suis venu avec ma mère vers l’âge de 4 ou 5 ans vivre à Saint Hilaire car elle avait rencontré Farid qui m’a élevé et faisait du parapente. J’aime beaucoup St Hilaire, c’est un lieu à part où la tranquillité à su rester.

Et après 98 ?
Je deviens fan d’acro. Raul Rodriguez invente la figure Sat et avec Felix, Raul et Daniel Crespo ont crée l’équipe SAT. J’en oublie le cross et ne fais plus que de l ‘acrobatie et des shows avec mes pôtes jusqu’en 2009. C’est Laura Sepet qui me remet dans le bain du cross. Elle m’appelle pour me dire que je suis invité à participer à la Coupe du Monde, en temps qu’ancien vainqueur. Alors bingo j’ai remordu à l’hameçon et c’était reparti pour la distance.

Et la création d’AirG Products, ta marque de voiles ?
C’était en 2008, ma fille Emilie allait naître et je voulais juste voler avec une voile à son nom. Alors j’ai demandé à mon pote Ernst Strobl (patron de U-Turn) de me faire une voile unique  »Emilie ». Je l’ai un peu bidouillée, puis un, deux et dix potes ont voulu la même, alors j’ai créé ma marque avec cette voile. Et la meilleure année j’en ai vendu 400 ! Mais en 2016, quand je suis tombé malade, j’ai donné Air’G aux jeunes qui bossaient avec moi : Simon Klemenc et Johannes Glatz. Et maintenant je ne m’en occupe plus du tout.

En 2015 tu gagnes encore en Coupe du Monde à Val Louron, vas-tu en faire encore?
Pourquoi pas ? Une ou deux par an… juste pour m’amuser et voir les potes. Cette formule est géniale, tu fais des vols de fous sur des sites de fous et tu as la récup’! Mais je n’ai envie que de découvrir de nouveaux beaux endroits et je rêve d’une formule  »Big task » avec des vols de compète où comme avant, on vole au moins 5 heures par jour. Car maintenant on décolle à midi et à 15 h tout le monde est posé, c’est moins drôle !

Et battre un record ? Ça t’intéresse ?
Je ne suis pas un homme de record, car je m’en fous. Au pire, j’irai un jour sur un de ces sites avec des potes et bingo sans le vouloir je ferai 700 km !

Qu’est-ce qui t’a marqué depuis 30 ans que tu voles?
Qu’on reste débutant toute sa vie, et que l on se remet en question constamment. Que le parapente est une drogue. Que t’es tranquille en l’air, vraiment tout seul, et rien que ça c’est fort. Plus je vole, plus je me rends compte que quel que soit l’époque ou les gens, on est tous pareil. On a tous la même émotion à l’atterro. On peut tous se comprendre. Même si chacun a fait son vol dans son coin, une fois posé on ressent tous la même chose, la même joie.

Qu’est ce qui te motive aujourd’hui ?
Ces derniers mois, mes questions étaient vivre ou mourir, marcher ou ne plus marcher. Alors là, je vais d’abord retrouver la pleine pêche et tout aborder plus relax et plus cool. J’étais descendu à 45 kg, j’en refais 65 ! Voilà 3 ans que je n’ai pas kité, alors en un je vais rekiter et en deux j’attends l’Enzo 4 pour m’entraîner.

Cross, alors ?
Le parapente a du sens dans toutes ses formes : en mini voile avec la Tonka de ma fille, en voile montagne, en Enzo ou Zeno. Les voiles actuelles sont plus sûres que n’importe quelle voile de nos débuts, et ça plane incroyablement !

Mais pas toujours à la portée de n’importe qui ?
Oui bien sûr. Mais beaucoup de pilotes ont un bon niveau aujourd’hui, rien à voir avec le passé. Et ces ailes sont super saines.

La pratique est-elle différente en France et en Allemagne où tu vis ?
Ah oui, ici on est chez les stroumpfs volants. En sortant de l’école ils ne savent rien. Après 100 vols personne ne sait faire les oreilles. Ils n’ont que la sécurité à la bouche, donc ils ont peur, donc ils ne peuvent rien faire de bien ! La progression de masse est très lente.

Qui t’a impressionné ces dernières années ?
Mes potes ! Moi j’aime tout le monde sauf les cons. Je suis super rancunier, mais je commence à me calmer. Il y a un mec qui sort du lot, c’est Félix (Rodriguez). D’ailleurs c’est lui qui devait jeter mes cendres à St Hilaire si j’avais capoté. Parmi les grands il y a aussi Raul (Rodriguez), Andy Hediger, Pal Takats et Seiko (Fukuoka-Naville) bien sûr. Ozone m’a également impressionné, des types comme Rüssel (Ogden) et Luc (Armant) que j apprécie bcp, ont vraiment changé le monde du parapente.

Avec toute ton expérience, que conseilles-tu aux jeunes qui ont de l’ambition ?
De prendre plus de temps pour faire les choses. Le parapente c’est comme la wingsuit, c’est une drogue, donc il faut faire attention. Moi je suis mal placé car j’ai toujours croqué la vie pour le plaisir. N’empêche que le plaisir c’est le fil rouge, mais qu’il faut se méfier tout le temps.

Le plus beau vol de ta vie ?
Un biplace avec une magnifique nana, à minuit à la Palma ! On s’est embrassés tout le vol… et ensuite « tac-tac »… Et puis il y a les vols au Brésil au-dessus des forêts, ou même certains petits cross de 50 km. Mais c’est drôle le premier qui m’est venu, c’est celui de la Palma !

As-tu envie d’exprimer quelque chose ?
Je suis super heureux d’avoir survécu cette année. Je crois être sorti d’affaire maintenant, alors je vais pouvoir recroquer pleinement à cette vie que j aime tant. Sourire, rigoler, et être encore plus remerciant envers cette nouvelle chance qui m’est donné. Vivre derrière ces 35 dernière années de bohneur est une sorte de renaissance pour moi, sans l accouchement mais avec autant de douleurs. Je vais continuer à essayer d être le Papa le plus sympa pour mon équipe de gamins, à garder mes super potes autour de moi, et bien sûr mi Amor qui m a sauvé la vie.


« 1000 câlins et bisous à tous les amis et personnes qui m’ont soutenu et ont prié depuis 12 mois… ça a marché… je reviens à la vie et je me sens super bien »…